Pauvre ministre Blanouille
Cette semaine le vérificateur général a publié un rapport où il n’a pas vraiment d’éloges pour le Service Correctionnel du Canada. Mauvaise planification, manque de cellules, espaces supplémentaires non prévus pour les soins de santé etc.
Or, il note que selon le Service correctionnel du Canada (SCC) lui-même a convenu que « la double occupation des cellules avait de lourdes conséquences, notamment une hausse des tensions, des agressions et des actes de violence ». Il ajoute que la surpopulation carcérale peut nuire à la réinsertion sociale des délinquants, parce qu’il y a moins de cellules disponibles dans les ailes à sécurité minimale, notamment.
Hugo De Grandpré dans La Presse
Le ministre Blanouille répond que ce n’est pas pire que pour les soldats et les étudiants qui parfois doivent vivre en double occupation. Ces soldats et étudiants peuvent sortir de leur chambre n’importe quand ou demander à leur « coloc » de quitter s’ils ont besoin d’intimité pour quelques minutes. Ils n’ont pas à partager une cellule (quelques fois 16 heures par jour) avec un psychopathe schizophrène, quelqu’un soufrant d’Alzheimer, quelqu’un de violent, un pédophile etc. Comment cela peut aider quelqu’un à se réintégrer dans la société?
Tout cela n’émeut pas M. Blaney, qui semble n’avoir rien retenu de ce rapport ou des rapports produits depuis cinq ans par l’enquêteur correctionnel Howard Sapers, l’ombudsman des détenus.
Ce climat et la surpopulation nuisent à l’accès à des programmes de réhabilitation en temps opportun, retardant du même coup la réinsertion sociale des délinquants. Or, a constaté le vérificateur général, le nombre de libérations discrétionnaires a chuté de 14 % depuis neuf ans et les détenus passent plus de temps en prison qu’avant, en particulier les délinquants à faible risque. Ce qui a un coût.
Manon Cornellier dans Le Devoir
Ce n’est pas tant à cause des peines plus longues ou d’un plus grand nombre d’admissions, d’après l’analyse du VG. C’est essentiellement dû à la plus grande difficulté d’obtenir une libération conditionnelle.
Yves Boivert dans La Presse
Je suis d’accord avec cette affirmation. Il semble que les agents de libération conditionnelles « encouragent » les détenus à signer pour leur libération au 2/3 (libération d’office). Ça leur économise ainsi beaucoup de travail. Il semble aussi que la Commission des libérations conditionnelles accorde moins de libérations qu’auparavant. Il y a de moins en moins de libération avant le tiers (théoriquement possible 6 mois avant le tiers si la personne va en maison de transition) et moins de libération au tiers sans passer par une maison de transition.
Là-dedans comme dans tant d’autres domaines, le gouvernement Harper n’a pas vraiment d’intérêt pour les faits établis par la recherche. Il préfère des projets de loi au titre pompeux qui prétendent améliorer «la sécurité dans nos rues».
Yves Boivert dans La Presse
Ce que moi j’ai remarqué : des détenus en double occupation pour trois mois à leur arrivée. À cause des coupures dans les programmes et de la surpopulation : pas de programmes disponibles pour les nouveaux. Pas d’emploi non plus. Et pas le droit de se promener à l’extérieur dans le jour si tu n’as pas d’emploi ou de cours. Résultat : des gens enfermés toute la journée à ne rien faire. Et ce sont ceux qui sont deux par cellule. Est-ce la manière d’aider quelqu’un à se réintégrer dans la société?
Autre chose que j’ai remarqué : des gars qui sortent de prison pas prêts. Ils ne peuvent pas suivre de cours en prison comme il était possible de le faire auparavant. Il n’y a pas de programmes pour les aider à l’extérieur non plus. Certains doivent faire vivre leur famille et en sont réduits à faire des choses qu’ils font à regret. Je n’ai de confirmation pour personne mais quand un gars en maison de transition te parle des problèmes qu’il vit (nourrir sa famille) et comment ce serait simple de régler ça rapidement, on devine que ce sera la voie choisie par certains d’entre eux.
J’ai la chance d’être la seule personne qui compte sur moi. Je n’ai pas à m’inquiéter pour nourrir et loger ma famille. J’avoue avoir été surpris à ma sortie qu’il n’y ait rien pour m’aider. Comme je n’étais pas sur l’aide sociale, je n’avais le droit à aucun programme gouvernemental.
Le ministre Blaney, on n’a pas besoin de le dire pour lui: il ouvre la bouche et on a la confirmation qu’il est de quoi il a l’air.