Vierge de seconde main
Vierge de seconde main: c’est une expression que j’ai « inventée » en prison. Je disais qu’il y a si longtemps que je n’ai pas fait l’amour que je me sens comme un vierge de seconde main. Il y a sept mois que je suis sorti de prison et je ne sais toujours pas ce que ça fait de se faire toucher la main et encore moins de se faire embrasser.
Je me sens vraiment comme quand j’avais 14 ans lorsque j’avais certaines parties du corps en feu mais que je ne savais pas comment parler à une femme.
Une femme qui travaille ici m’a demandé si j’avais bu de l’alcool à Noël. Comme je n’ai pas de conditions à ce propos, j’aurais pu. Je n’ai rien bu car je n’aime pas vraiment le goût de l’alcool. Elle m’a taquiné en me disant que je ne fumais pas, je ne buvais pas et je ne sortais pas beaucoup. Je lui ai répondu que je ne faisais pas l’amour non plus. Je lui ai expliqué que ce qui me manque le plus, ce n’est pas le sexe: c’est la compagnie féminine, la complicité d’une amie. Bien entendu le mieux serait de trouver tout ça avec la même personne.
Je suis nouveau à Montréal et je ne connais personne. Je suis une personne timide qui a de la difficulté à faire les premiers pas. Il faudrait que je sorte plus mais je ne sais vraiment pas où aller. Aller dans les bars ne m’intéresse pas du tout. Je vais à l’université mais je suis entouré principalement de jeunes personnes et ça ne me tente pas d’expliquer ma situation dans ce milieu. Il faudrait que je m’inscrive à des activités pour rencontrer des gens.
Tout ça fait partie de la liste des choses sur lesquelles il faut que je travaille. J’ai tellement d’autres problèmes à régler qu’il est difficile de décider sur quoi dépenser mon temps et surtout mon énergie.
Un de mes problèmes est que je suis quelqu’un de romantique et que ça ne me tente pas de jouer à un jeu. Jouer au jeu de la séduction est plaisant mais je ne veux pas mentir ou décevoir. C’est probablement tout ce stress encore d’avoir peur de prendre une mauvaise décision ou de faire encore du mal à quelqu’un.
Je crois que les choses deviendront plus simples lorsque je sortirai de la maison de transition. C’était prévu pour décembre mais ça a été reporté car le Comité des libérations conditionnelles veut me rencontrer le 20 janvier. Après ça je saurai où je vais (ou ne vais pas). Si je pars d’ici je pourrai inviter des gens chez moi, même à coucher. Alors que présentement si je veux coucher ailleurs, il faut qu’il y ait une enquête communautaire effectuée sur la personne où j’irais. C’est pour s’assurer que cette personne ne serait pas une mauvaise influence pour moi.
Je me dis quelques fois que celle qui se promène avec mon premier baiser est peut-être en train de lire ces lignes. Ça serait simple car cette personne connaîtrait ma situation et saurait dans quoi elle s’embarque.
Alors quand je me promène dans Montréal je regarde les femmes. Je me dis qu’une d’entre elles se promènent avec mon premier baiser. Il faudrait par contre que j’arrête d’agir comme un imbécile et que je leur parle .