Anxiété de la recherche d’emploi après la prison
J’ai toujours eu de la difficulté à être dans des endroits restreints avec beaucoup de gens autour de moi. Je me souviens des visites (beaucoup trop fréquentes) de ma belle-famille chez moi où il y avait 5-6 personnes dans la cuisine qui parlaient tous en même temps. Le pire était les fêtes chez mon ex belle-mère où nous étions une vingtaine dans son 3 1/2. Il fallait que je sorte de temps à autre ou que je me soûle la gueule. J’aime le calme et la tranquillité.
En prison ce n’était pas évident. Je ne pouvais même pas m’en aller car j’étais dans un secteur avec 60 autres gars. Heureusement j’avais un lecteur MP3 et j’écoutais de la musique toute la journée.
Par contre j’avais beaucoup de documents à taper pour ma correspondance légale. Le seul endroit pour le faire était une petite salle de 10 pieds par 10 pieds (3m x 3m). C’était aménagé en forme de U. On ne pouvait ouvrir la porte complètement car il y avait une table qui bloquait l’ouverture. Sur le mur en face de la porte il y avait une table avec deux dactylos. C’était l’endroit idéal pour s’installer car il y avait assez de place pour mettre nos documents à côté de la dactylo. Sur le mur de droite il y avait aussi une table (celle qui bloquait la porte) avec trois dactylos. Sur le mur de gauche il y avait une table avec quatre écrans d’ordinateur (sans clavier, il y avait un clavier dessiné sur l’écran) qui permettaient de faire des recherches sur des jurisprudences et des lois. Les tables se touchaient presque dans les coins et lorsqu’on voulait reculer notre chaise, il fallait que la personne sur le mur adjacent se déplace car nos chaises se touchaient. On se retrouvait une dizaine dans ce petit endroit car il y avait des gens qui y venaient à deux pour se faire aider. Ça parlait fort, ça sifflait, on était coude à coude… Je faisais mes affaires très rapidement, quelques fois je tremblais, j’en avais presque des sueurs. Cet endroit me rendait complètement fou mais il fallait que j’y aille. Sinon je serais encore là-bas, où les conditions sont devenues encore plus difficiles depuis que je suis parti.
J’ai gardé un mauvais souvenir du travail où on se retrouve beaucoup de gens rassemblés dans un petit espace. J’ai aussi des problèmes d’attention, alors travailler avec des gens qui parlent autour de moi est difficile.
J’ai commencé à recevoir des appels d’agences de développement Web. Jusqu’à maintenant ça n’a pas été concluant car il me manquait toujours un quelque chose pour répondre aux critères qu’on demandait. À chaque fois je vais voir de quoi a l’air le site web de ces compagnies (souvent pas fameux). Souvent on voit des photos de leur environnement de travail. On met l’accent sur comment c’est plaisant d’y travailler. Des fois on voit des tables de ping-pong, des distributrices de bière, des photos de mudrace, etc. Ces compagnies essaient d’attirer des jeunes. Je suppose qu’ils coûtent moins cher et n’ont pas d’enfants qui les empêcheraient de travailler en fou. Je ne corresponds pas tellement à cette culture.
Sur leurs sites on trouve souvent quelque chose qui me fait angoisser à chaque fois: ces gens travaillent empilés les uns sur les autres. J’avoue que ça me stresse de me retrouver dans un endroit comme ça. Je n’ai rien contre ces agences, c’est juste que ça ne me correspond pas. Je suis peut-être trop vieux.
Entre-temps j’ai quand même trouvé un emploi. Une école privée de niveau collégial cherchait un professeur à temps plein mais je n’avais pas ce qu’ils recherchaient. Ils avaient besoin de quelqu’un en urgence pour donner un cours de HTML mardi prochain en attendant de trouver un professeur régulier. J’ai donc un contrat de pigiste de deux semaines. Ça paie 40$ de l’heure. Ça peut paraître généreux mais il faut travailler en plus pour préparer les cours, rédiger les examens, corriger et être disponible pour les étudiants. Je vais enseigner environ 5 heures par jour plus les extras. Si je travaillais comme ça tous les jours de l’année je gagnerais 45,000$. Pour commencer ce n’est pas si mal mais il y a beaucoup de responsabilité et travail et je n’ai pas d’assurance chômage, vacances, assurance santé etc. Il y a presque 20 ans je gagnais 60,000$ par année à un travail de 35 heures par semaine. Avec assurances, sécurité d’emploi, horaire flexible, journées de maladie et quatre semaines de vacances.
Je n’ai pas besoin de tant d’argent mais je ne veux pas avoir une vie de fou pour un salaire deux fois plus bas que ce je gagnerais normalement.
Je crois que les choses vont débloquer tranquillement pour mon travail autonome. Il faut juste un peu de patience. La roue est difficile à démarrer mais une fois qu’elle roulera, ça va être plus facile.