J’ai fini ma sentence
Depuis quelques années ma vie a un peu changé. J’ai rencontré une femme que j’aime beaucoup. On a un peu le même sens de l’humour et c’est important pour nous deux. On rit aux presque aux mêmes niaiseries.
Le problème est qu’elle a beaucoup d’ami.e.s. Ce n’est pas vraiment un problème mais je dois souvent retenir ce que je voudrais dire. Ce sont des gens respectueux et ils ne posent pas trop de questions. Lorsqu’ils me demandent quand j’ai vu mes petits-enfants et que je leur réponds que j’en ai vu un il y a 5 ans, à sa naissance, et que je n’ai pas rencontré l’autre, ils comprennent et ne posent pas plus de questions.
Il y a quelques mois un ami de 65 ans venait de prendre sa retraite du CEGEP (qui se sentait un peu coupable car il avait toujours travaillé beaucoup comme enseignant au CEGEP et à l’Université). Il comparait sa vie professionnelle à une sentence de prison et qu’il n’avait pas à se sentir coupable, sa sentence était terminée.
J’avoue m’être retenu. Je n’ai que répondu : « je ne suis pas sûr que les gens qui sortent de prison soient dans la même position où tu es. » Ma copine m’a fait de gros yeux mais ça fait beaucoup d’années que j’écoute ce que les ami.e.s de ma copine racontent. Je les aime beaucoup mais ils ne sont pas en mesure de tout comprendre.
Je suis sûr que la vie de cet ami a été beaucoup plus agréable qu’une personne en prison. Je le connais assez pour savoir que c’est une bonne personne, il n’a seulement pas compris ce qu’est une vie en prison.
Vraiment c’est un gars que j’aime. Ma situation m’empêche de lui dire tout ce que je pense de lui.
C’est la chose la plus difficile avec laquelle je dois vivre, aimer des gens sans être capable de leur dire pourquoi.
J’ai déjà dit à mes collègues que je les aimais et je trouve difficile de leur cacher d’où je viens.
Dernièrement j’ai fait une blague à une collègue et je me sentais un peu coupable. Elle m’a répondu : « Je crois sincèrement que tu ne pourrais jamais blesser personne, tu me sembles être la bonté personnifiée ».
Ça m’a beaucoup touché. Je sais que j’ai déçu des gens. Quelques fois j’ai peur de décevoir des personnes et ça fait de la peine à d’autres parce que je suis trop faible pour confronter.
J’ai honte de ça. J’ai honte de décevoir des gens que j’aime sincèrement.