Le bien et le mal selon un agent de la GRC
En 1999 deux agents de la GRC sont venus pour me rencontrer chez moi. J’avais de la visite alors ils m’ont demandé de passer à leur bureau de Québec le lendemain. Rien ne m’y obligeait mais il est toujours préférable d’avoir la police de son côté.
Le lendemain, lorsque je suis arrivé, la première chose que le gendarme m’a dite c’est que je ne faisais rien d’illégal et que même si j’avais vendu ces produits au Canada, il n’y aurait pas d’infraction.
Ils voulaient me parler car il était possible de produire une drogue avec certains des produits et ils voulaient savoir si j’en vendais à des individus au Canada (j’ai su plus tard qu’un de leurs agents doubles avait essayé, sans succès, de placer une commande ou de me rencontrer). Je leur ai répondu que non et que je ne connaissais personne qui en aurait vendus ou achetés.
Le gendarme qui m’avait posé des questions s’est mis à me parler de sa vision de ce qui est bien ou mal. C’était bizarre et intéressant.
Il m’a raconté que, selon lui, les pires drogues sont la cigarette et l’alcool. Ces drogues tuent plus de gens que n’importe quelle autre drogue etc. Quand je lui ai demandé pourquoi elles étaient légales il m’a dit que la prohibition avait prouvé que ça ne donnait rien de rendre une drogue illégale.
Selon lui la marijuana devrait être légale et son rôle à lui était de voter pour quelqu’un qui allait changer la loi. Ce n’était pas à lui de décider ce qui était bien ou mal mais d’appliquer la loi. Il fallait donc qu’il arrête les trafiquants de marijuana parce que c’était illégal, pas parce que c’était mal. Il ne se posait pas cette question. Je dois dire que c’est le seul gendarme que j’ai rencontré qui me disait des choses logiques.
C’est plate parce que j’ai dû faire une plainte contre lui auprès de la Commission des plaintes du public contre la GRC. J’avais commencé par faire une plainte contre ceux que je trouvais responsables de mes problèmes mais on me disait que ces gens avaient bien fait leur travail. J’ai donc inclus ce gendarme en disant qu’il fallait que la Commission choisisse, j’ai des documents rédigés par un gendarme où il dit qu’il m’a avisé que je ne faisais rien d’illégal et d’autres gendarmes m’arrêtent. Lesquels ont raison? Ils s’en sont sortis en disant qu’effectivement je n’avais rien fait d’illégal et que j’avais été arrêté seulement parce que les américains l’avaient demandé (mais c’est une autre histoire).
Ce que j’ai compris de cette conversation est qu’il ne faut pas se poser toutes ces questions sur le bien ou le mal lorsqu’on juge les gens, les choses qu’on trouve « mal » ne le sont peut-être pas pour une autre personne.
Ce que j’ai surtout compris est que tant qu’on respecte la loi à la lettre, il n’y a pas de risque qu’on se fasse arrêter et jeter en prison des années. Comme je suis naïf.
C’est donc difficile aujourd’hui lorsque je discute avec des gens des libérations conditionnelles qui me disent que je n’ai peut-être enfreint aucune loi mais que lorsqu’on fait des choses croches, il faut s’attendre à ce qu’il nous arrive des choses comme ça. Mais qui es-tu pour me dire que je faisais des choses malhonnêtes? Le bien ou le mal c’est quelque chose de personnel. Personne ne connaît les motivations derrière mes actes et ils ne veulent surtout pas le savoir. Tout à coup que ça aurait du sens et que ça les ferait douter du « système ». Déjà que ça les mélange que j’aie fait de la prison après n’avoir rien fait d’illégal et qu’il faut qu’ils me mettent des conditions sans savoir pourquoi. Ces gens ne peuvent pas me dire quel crime j’ai commis mais ils ont peur que je recommence. J’ai appris à ne plus expliquer. J’ai l’impression de parler à des enfants qui se bouchent les oreilles et qui crient: « LALALALALALALALALALA ».
C’est aussi difficile avec les gens que je rencontre et certaines personnes de ma famille. Il n’y a rien de logique dans leur raisonnement: ils ont beau voir les documents rédigés par la GRC qui disent que je n’ai rien fait d’illégal, ils continuent de croire que j’ai eu ce que je mérite. Pour la plupart des gens, le « système » ne se trompe jamais et ne fait pas d’erreurs. Ils ne remettent rien en question.
Je dois avouer qu’après avoir passé une fin de semaine extraordinaire j’ai eu un très mauvais lundi. J’ai rencontré mon agente qui m’a dit des choses qui m’ont pas mal déprimé. J’ai écrit un autre texte qui en parle mais je préfère dormir une nuit là-dessus (si je réussis à dormir) avant de le publier. J’ai appris à ne pas envoyer de lettres ou publier des choses lorsque je suis fâché et là vraiment ça déborde. La soupape va finir par exploser.
Compassion.