Orange is the new black (OITNB) souvenirs
Orange is the new black est de retour. C’est une de mes émissions préférées pour plein de raisons. J’en ai déjà discuté dans plusieurs autres billets. La plupart des gens aiment cette émission parce que c’est drôle, c’est bien écrit, pour le sexe, pour la violence etc. Moi quand je l’écoute je vois tant d’autres choses que les gens qui n’ont pas fait de prison ne remarquent probablement pas.
Un exemple est cet extrait du premier épisode. La femme vérifie derrière elle si le gardien regarde. Elle veut donner une gifle à sa fille et veut être sûr que personne « d’officiel » ne la verra.
La plupart de gens ne comprennent pas ça, même lorsque j’étais en prison au Canada après avoir été transféré, les gars ne croyaient pas qu’on pouvait finir au trou pour quelque chose d’aussi simple.
C’est qu’en prison, les autorités accordent une grande importance à la sécurité des détenus. Dans le cas où on verrait quelque chose comme dans l’image, les deux détenues seraient amenées au SHU (Solitary Housing Unit) pour connaître les raisons, pour être sûr que ça ne dégénérerait pas en violence ou même en guerre entre deux gangs.
Je peux expliquer, avec quelques exemples, à quel point cette violence n’est pas tolérée entre détenus dans les prison fédérales aux États-Unis.
Un gars de mon dortoir est arrivé à la cafétéria et quelqu’un s’est mis à l’engueuler à propos de quelque chose. Il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes psychotiques en prison, qui s’imaginent des choses qui ne sont jamais arrivées. Le gars de mon dortoir lui a dit qu’il n’avait aucune idée de quoi il parlait et « fuck you ». Les gardiens ont vu ça et les ont amenés les deux dans le trou. Tout ça dans un but de sécurité afin de savoir ce qui se passait vraiment pour éviter qu’un des deux fasse quelque chose de violent. Malheureusement le gars de mon dortoir avait une visite le même jour et il a dû rencontrer sa mère avec des menottes et des chaines aux pieds. Très humiliant.
Deux gars jouaient aux cartes dans mon dortoir et se sont engueulés (ils jouaient au poker et le gambling n’est pas autorisé en prison). Des gardiens ont vu ça sur les caméras se sécurité (il n’y a aucun endroit pour se cacher là-bas à part les douches) et les ont amenés dans le trou.
Claude (un autre québécois qui a été avec moi pendant un moment) a mis ses lunettes maladroitement un jour et s’est planté le pouce dans l’œil. Pendant plusieurs jours il est resté dans le dortoir pour éviter qu’un agent voie qu’il avait un œil au beurre noir. Il aurait certainement fini dans le trou pour se faire demander qui avait fait ça et ensuite vérifier toutes les caméras de sécurité pour être sûr que personne ne l’avait battu.
Une semaine avant mon départ pour mon transfert vers le Canada des canadiens m’ont demandé de jouer au baseball avec eux. Je n’y avais pas joué depuis mon adolescence. On jouait contre les cubains. J’ai frappé la balle mais j’ai eu des signaux pas clairs en arrivant au troisième but. On me disait d’arrêter et ensuite de continuer. Je me suis claqué un muscle dans la cuisse et je ne pouvais plus marcher. Peut-être aurais-je dû attacher mes souliers avant de faire ces conneries? Duh! Je n’ai plus l’âge pour ça. Quand c’est arrivé, tout de suite il a fallu aller chercher un gardien (il y en a toujours un dans la cour qui surveille). Il a fallu lui expliquer ce qui s’était passé car si on m’avait vu boiter plus tard, on m’aurait demandé ce qui s’était passé etc. On m’a amené à la clinique et on a « enregistré » ce qui s’était passé et ma blessure. Plus tard ma cuisse est devenue noire à partir du pli de mon genou jusqu’à ma fesse. À chaque fois que je voyais un gardien il fallait que j’explique ce qui était arrivé et certains vérifiaient avec la clinique pour savoir si c’était vrai.
* * * * *
Cette histoire avec ce poulet m’a fait rire. C’est fou comme en prison, une niaiserie peut prendre des proportions énormes. Bien entendu dans cette émission il y a plein de rumeurs qui partent à propos du poulet.
Aux États-Unis il y a des rumeurs qui existent depuis plus de dix ans et les gens les répètent comme si elles étaient nouvelles. Par exemple il y a la rumeur qu’au lieu de faire 85% de notre sentence, une loi avait changé ça à 65%. C’est drôle de voir les nouveaux arriver avec ça, tout excité de finir plus tôt que prévu. Mon ami Michal encore aux États-Unis m’a demandé dernièrement de vérifier en ligne si cette « loi » est finalement passée.
Il y a aussi la rumeur à propos d’une loi qui dit que les « non-américains » qui doivent être déportés à la fin de leur sentence ne feront plus que 50% de leur sentence et seront déportés. Il y a même eu une fois où les autorités ont installé une remorque de 50 pieds juste à l’extérieur de la clôture. Les gens croyaient que la remorque était pleine de vêtements pour vêtir tous les gens qui inévitablement seraient libérés lorsque cette nouvelle loi passerait car beaucoup de gens où j’étais avaient déjà servi plus de la moitié de leur sentence.
Dans le vidéo suivant on voit une quantité impressionnante de rumeurs et de préjugés racistes.
* * * * *
Dans la deuxième saison on voit Piper qui retourne chez elle pour des funérailles. Quand elle voit tous les vêtements qu’elle avait auparavant, elle est toute étonnée qu’il y ait pu y avoir un moment dans sa vie où elle avait vraiment besoin de tout ça. J’ai encore de la difficulté à comprendre tout ça, l’accumulation de trucs dont la plupart des gens ne se servent pas. Elle est quand même émue de la douceur de son chandail en cachemire (les khakis c’est assez rude). Et elle apprécie le rembourrage du fauteuil. Encore aujourd’hui ça m’émeut de m’asseoir dans un fauteuil confortable.
Pendant des années je me suis assis sur des bancs ronds en acier. Je me suis mis à voir de l’eczéma sur les fesses. Tant que ça saignait. Il fallait que je lave mes sous-vêtements dans la douche à tous les jours.
* * * * *
Je ne parlerai pas de la troisième saison sauf pour dire que l’auteure s’est permis encore plus d’écarts que les saisons précédentes avec la réalité.
Les gens me posent beaucoup de questions sur cette série ou d’autres trucs qui se passent dans les prisons américaines. Peut-être qu’un jour je ferai des conférences pour l’expliquer. Je ne sais pas s’il y aurait un intérêt.
18 réponses