Des imbéciles partout
L’autre soir j’ai écouté l’émission OPEN TÉLÉ sur le site MAtv.ca. Le sujet était « Sommes-nous trop gentils avec les prisonniers? » J’y ai entendu beaucoup de conneries.
Il y a quelques points sur lesquels j’aimerais revenir car on en entend souvent parler.
« Les gens en prison mangent mieux que les gens dehors. » Quelqu’un qui dit ça n’a pas passé une seule minute en prison. Disons que les autorités ont beaucoup d’imagination pour nommer la marde qu’ils servent. Boeuf Stroganoff mon cul, ce n’est que quelques légumes et des morceaux de nerfs et de gras qui flottent dans une sauce étirée à l’eau. Prochainement un hamburger deviendra un « tartare grillé servi sur pain saupoudré de graines de sésame ». Bien entendu il y a les sandwiches au jambon avec une tranche si mince qu’on voit au travers. Je ne suis pas difficile et je peux manger n’importe quoi mais dire que c’est mieux que dehors c’est une belle connerie.
« Les gens en prison ont des cellulaires, iPad, cognac etc. » Ce sont des choses qui arrivent et ce n’est quelques détenus. Parce que les autorités laissent passer des trucs, parce qu’il y a des gardiens corrompus qui entrent ces choses pour certains détenus, il faudrait punir tous les détenus? On voit des photos d’un gars en cellule avec une bouteille de cognac et un cigare et ça veut dire que les détenus font la belle vie? Il faut comprendre quelque chose, s’il y a des détenus qui peuvent se permettre ces choses, c’est qu’ils peuvent s’en permettre beaucoup d’autres. Ce que je veux dire est que ça sera d’autant plus difficile pour les gens « normaux » ou qui ne sont pas habitués à une vie criminelle. Ces « privilégiés » qui abusent du système vont aussi abuser des nouveaux qui arrivent s’ils ont l’air le moindrement innocent.
Ceux qui lisent ces lignes et qui se croient au-dessus de tout ça, dites-vous que n’importe quand il peut vous arriver un incident quelconque (une ex vous accuse de violence conjugale etc.) qui pourrait vous envoyer en prison quelques jours, le temps de résoudre la situation. Imaginez que vous vous retrouvez dans un secteur où il y a quelques personnes qui contrôlent ce qui s’y passe. Imaginez que quelqu’un vient vous voir et vous donne une liste de choses à acheter sur la cantine seulement pour « votre propre bien », pour ne pas qu’un accident vous arrive. Et ça c’est si vous avez affaire à quelqu’un de logique. J’ai connu des prisonniers qui se sont réveillés en pleine nuit avec leur coloc qui essayait de les étrangler parce que le gars entendait des voix qui lui disaient de le faire ou parce qu’ils avaient eu une dispute dans le jour. Comment dormir les jours suivants?
Quand on voit ou entend parler de quelques détenus qui peuvent se permettre des « privilèges » comme des téléphones, dites-vous qu’il y a d’autres détenus dans cette prison qui en paient le prix.
Ce n’est pas parce qu’il y a un détenu qui fait des conneries, que ça veut dire que la vie est facile en prison.
« On n’a pas d’argent pour nos aînés. » C’est un autre argument stupide. Il faudrait donc que parce qu’il y a une situation absurde ou injuste quelque part, il faudrait la reproduire partout.
« Les prisonniers ont plus de services que les gens dehors. » J’ai été presque un an dans une prison fédérale. J’ai demandé de participer à des programmes et on me les a tous refusés. Quelqu’un m’a dit qu’ils coupaient même dans le programme pour les pédophiles et prédateurs sexuels et je suis pas mal sûr que la population doit être assez d’accord qu’on devrait concentrer nos efforts pour que ces gens ne recommencent pas. Le fédéral ne fait plus de nettoyage de dents et c’est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un dentiste même pour les urgences. Il ne faut pas oublier que ces gens n’ont pas le choix, il y en a qui passent 20 ans en prison et ne peuvent pas avoir un seul nettoyage de dents. Au moins les gens dehors ont l’option ou le choix. Je me suis présenté à la clinique en disant que j’étais déprimé et que je vivais de la détresse. On m’a mis sur une liste d’attente. J’ai été libéré 3-4 mois plus tard sans avoir rencontré de médecin. Pour ce qui est du provincial c’est une vraie farce. Pour les services dentaires c’est seulement pour des extractions. J’ai pourtant vu des gens qui ont été plus de quatre ans dans une prison provinciale.
Là encore je vais me répéter. Beaucoup de gens dans les prisons provinciales n’ont été encore reconnu d’aucun crime. Lorsque j’étais à Rivière-des-Prairies, la prison contenait officiellement 600 détenus (c’était en fait beaucoup plus que ça) avec seulement 80 détenus qui avaient été reconnus coupables. Tous les autres étaient en attente de procès. Ils étaient officiellement aussi innocents que les gens dehors mais ils étaient en prison. Et les gens voudraient qu’on les traite comme des animaux.
Bien entendu il y a eu le Sénateur Parvenu qui est intervenu avec des arguments si cons que c’est à faire pleurer. Selon lui il y aurait un taux de récidive de 70%. Comme ce chiffre n’avait aucun sens il a ensuite précisé que c’était 70% de réincarcération. Je ne sais pas si ce chiffre est véridique mais il faut quand même préciser ce que ça veut dire. Ça signifie que quelqu’un a brisé une condition avant la fin de sa sentence pendant qu’il était encore en liberté conditionnelle et qu’on l’a retourné en prison. La personne n’a pas commis de crime, seulement enfreint une condition comme sortir du 50km, consommé de la drogue, rencontré un autre criminel etc. Même si ce 70% était vrai (j’en doute vraiment beaucoup), quelqu’un qui est en liberté conditionnelle coûte beaucoup moins cher à la société que s’il était en prison. Alors même s’il brise une condition ce n’est que lui qui en paie le prix (à part le coût de sa réincarcération que toute la société paie). Aurait-il fallu le garder plus longtemps en prison parce qu’il risquait de fumer un joint une fois dehors?
Je peux comprendre qu’on veuille penser aux droits des victimes. Mais cet homme a consacré sa vie à se venger et non pas à essayer de prévenir d’autres situations malheureuses.
Je reviens souvent au mouvement Leave Out Violence fondé par Sheila Rudberg dont le mari avait été tué par un adolescent dans une rue de Montréal. Elle a démarré ce projet dont la mission est de « mettre fin au cycle de la violence dans la vie des jeunes tout en les inspirant à devenir des leaders en prévention dans leur communauté ». Elle est une victime et travaille à améliorer la société.
Le sénateur Parvenu veut qu’on se souvienne de lui comme un homme amer qui, dans le fond, se fout pas mal des futures victimes que les nouvelles directives du présent gouvernement créeront inévitablement.
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