Les dortoirs en prison
À Moshannon Valley Correctional Center (MVCC) il y avait quatre unités composées de 6 dortoirs. Quelqu’un qui était dans l’unité B, dortoir #2 (comme moi) disait qu’il était dans le « pod » B-2. Voici un plan du dortoir #1 de l’unité A. C’était la même chose dans l’unité B et probablement ailleurs aussi. C’est Claude (l’homme qui se met le pied dans la bouche) qui l’a dessiné. Il était dans le pod A-1. Il a fallu que je sois prudent lorsque j’ai ramené ce document car on n’est pas supposé faire des plans de la prison.
J’aurais aimé mieux le redessiner mais je n’ai pas vraiment de talent et le temps.
1 à 35 :
Lits superposés sauf 1, 2, 3, 32, 33, 34 et 35 car ils sont appuyés contre un mur bas. Le mur qui sépare les autres lits (entre les lits 4 et 8 par exemple) est assez haut mais les gars qui y sont n’ont qu’à s’asseoir pour voir le gars l’autre côté. Il y a des petits casiers entre chaque lit (entre les lits 4 et 5 par exemple). Pour quelqu’un qui est grand ça peut être tannant car les pieds dépassent du lit et lorsque quelqu’un ouvre son casier, la porte frappe les pieds. Entre les lits 8 et 12 on voit une fenêtre. Elle est très haute et les seuls qui peuvent voir dehors sont les gars qui sont dans les lits du haut. De toute façon ce n’est qu’une fente pas très haute avec un gros barreau au milieu. Ça ne laisse pas vraiment passer la lumière.
Lorsque j’y suis arrivé j’étais dans le B-1 au lit 20 du haut. Joe (Monsieur Plan B) était au lit 35. Je n’y suis pas resté longtemps car j’avais des problèmes avec un pied. On m’a transféré dans le pod B-2 où j’étais dans un lit du bas. Ça m’a permis de m’éloigner de Joe un peu même si la porte entre les deux pods est débarrée toute la journée.
Les poteaux qui tiennent les lits sont faits d’une plaque de métal très mince. Quand on les accroche, le lit complet vibre comme une cloche. Dans le B-2 j’ai été dans un lit sur le coin d’une rangée (comme le 19) et les gens avaient tendance à frapper le poteau du coin juste pour le plaisir d’entendre le BOING! Quand j’étais en train de dormir ou très concentré en train d’écrire ça me rendait fou. En plus le gars en face de mon lit organisait des partys à tous les jours. Ça criait non-stop. J’étais tendu et c’est peu dire.
Je me souviens d’une fois où je dormais et un gars est passé à côté de mon lit et s’est mis à hurler de façon très stridente. J’étais si fâché que je lui ai crié « SHUT THE FUCK UP, FUCKING RETARD! » Pas des mots très gentils. Il est devenu fou de rage. J’étais couché et, en s’approchant de mon lit, il s’est mis à crier encore plus. J’ai éclaté de rire comme un fou. Je ne pouvais plus arrêter. Il m’a demandé qu’est-ce que je trouvais drôle : « l’imbécile devant moi! » (the dumbass in front of me). Je ne sais pas pourquoi mais ça lui a fait perdre la tête (le peu qui lui restait). Il a levé le pied très haut pour me frapper mais a plutôt frappé le côté de mon lit et est tombé sur le dos. Je riais encore plus. Le monsieur était pas content surtout qu’il venait de sortir de la douche et se promenait avec une serviette autour de la taille. Il s’est retrouvé avec les bijoux de famille à l’air libre. Il s’est relevé et est parti sans demander son reste.
J’ai fini par obtenir un lit complètement au fond d’une rangée. J’y ai trouvé le bonheur.
On voit aussi l’autoroute. Claude a mis ce mot car il occupait le lit 34 et il trouvait plate d’avoir des gens qui passent sans cesse devant son lit. Par contre il n’avait pas de « bunkie » (le gars qui partage notre « bunk », lit).
Dans le D-6 ils y avait des prises de courant aux lits 28 à 31 pour les gens souffrant d’apnée du sommeil qui ont besoin de machines spéciales quand ils dorment.
40, 41, 42 :
Télévisions. Dans le B-1 la 40 était pour les émissions en espagnol, 41 en anglais et 42 pour les nouvelles et les sports. Dans le B-2 il y avait deux télés en espagnol et une en anglais. Claude (pas le même) « contrôlait » la télé en anglais. Il avait fait 17 ans de prison et les gens le respectaient (ou plutôt, lui montrait du respect). Comme la porte était ouverte entre les deux pods, on se retrouvait avec beaucoup d’hispaniques de notre côté. Pour écouter la télé il fallait avoir une radio et syntoniser le poste qui correspondait avec la télé qu’on voulait écouter. On pouvait donc écouter les télés des autres pods si on voulait.
43 :
Table avec un des fours micro-onde et le truc rond est une glacière Home Depot comme celles pour le Gatorade. Il y avait une machine à glace par unité (comme à l’hôtel) et on allait remplir la glacière régulièrement. Certains gars avaient de petites glacières pour y conserver leurs légumes et autre nourriture. Comme la prison n’en vendait pas, elles étaient en demande et venaient habituellement d’autres prisons. Il fallait que les gens coordonnent les horaires pour faire à manger car il n’y avait que deux micro-ondes pour plus de 60 gars. Il y a des prisons où il n’y a pas de four micro-onde (des détenus ont fait bouillir de l’huile et l’ont versé dans la figure de gars qui dormaient). Les gars font cuire leurs trucs en faisant bouillir de l’eau en y mettant deux électrodes branchés dans une prise de courant.
44 :
Table pour préparer à manger.
Chaises empilables :
Comme les tables ont des sièges très inconfortables en acier, il y avait aussi des chaises de parterre en plastique. Il n’y en avait qu’une trentaine, pas assez pour tout le monde. Ça occasionnait beaucoup de conflits. En plus quand les gens utilisaient ces chaises au travers des tables, ça ne laissait pas de place aux gens pour s’asseoir sur les petits bancs en acier.
Avec le temps des groupes se développent et utilisent toujours les mêmes tables. C’est difficile à expliquer comment les choses s’arrangent mais personne ne s’installait à notre table. Par contre, pour les chaises c’étaient premier arrivé/premier servi. Il y avait des gars, comme Claude, qui avait développé plein de techniques pour être là au bon moment pour toujours avoir une chaise et que personne ne change les postes de la télévision. C’était de la grande science.
Téléphones :
Il y avait 4 téléphones. C’était près des tables alors il était souvent difficile d’entendre ce que les gens nous disaient car il y avait trop de bruit. C’était un grand stress pour moi d’avoir à téléphoner. On avait le droit à 300 minutes par mois (à 30 sous la minute si on appelait au Canada/USA).
Distributrice d’eau chaude :
Nous étions chanceux car on avait une machine qui nous donnait de l’eau assez chaude pour les cafés/gruau/riz etc. Ça économisait beaucoup de temps. Pas besoin de faire la file pour le micro-onde.
Laveuses/sécheuses :
Une autre chose qui était bien c’était les deux laveuses et sécheuses. Il y avait bien une buanderie et on n’avait qu’à mettre nos vêtements dans un sac/filet sur la table près de la porte 2 ou 3 fois par semaine et ils revenaient quelques heures plus tard. Le problème est qu’ils ne sortaient pas les vêtements des sacs et ils revenaient encore mouillés/froissés dans un « moton ».
Peu après mon départ ils ont ajouté des lits. Je crois qu’ils ont enlevé le mur séparant les tables des lits et ont rallongé les rangées de lit pour qu’elles se rendent jusqu’aux tables. J’ai entendu dire environ 12-15 lits de plus. Et ils auraient aussi enlevé les laveuses/sécheuses pour pouvoir ajouter des toilettes/douches/lavabos.