Les nouveaux qui arrivent en prison
Une autre chose difficile en prison ce sont les nouveaux qui ne savent pas comment agir. Ils se plaignent de détails et ce n’est pas le genre de choses que les gens, qui ont de vrais problèmes, veulent entendre.
Je me souviens d’une fois où un gars est arrivé dans ma cellule à Rivère-des-Prairies. Il s’est mis à crier que son avocat ne s’était pas présenté à la Cour et qu’il avait dû payer un autre avocat 200$ pour obtenir sa caution. « Christ d’avocat bla bla bla… » Il a été libéré une heure plus tard (le temps que quelqu’un paie la caution). C’est fatigant d’entendre des choses comme ça quand ça fait un an que tu es en prison, que tu as dépensé 300,000$ en frais légaux, que ton avocat ne se donne même pas la peine de demander une liberté sous caution et refuse tes appels.
Le braillage constant des gens est vraiment insupportable. Sur le mur de ma cellule j’avais mis deux affiches (après avoir enlevé les photos mur à mur de filles nues). Une disait: « bienvenue dans MA cellule » pour faire comprendre aux nouveaux colocs qui arrivaient presque à tous les jours qu’ils étaient chez moi. L’autre affiche était plutôt une liste:
- Je n’achète rien
- Je ne vends rien
- Je ne prête rien
- Je ne donne pas de conseils juridiques
- Je n’écoute pas de longues histoires
Cette affiche m’aidait car quand les gars commençaient, je leur montrais l’affiche et, je ne sais pas pourquoi, il comprenait plus facilement que si je leur avais dit.
C’est drôle car les gardiens n’ont jamais enlevé cette affiche. Ils arrachaient tout sauf ça. Mon coloc en est même venu à cacher sa drogue derrière l’affiche.
Il y avait souvent des gens qui arrivaient pour me demander des conseils. Ils m’expliquaient leur situation et me demandaient s’ils avaient des chances de s’en sortir. Quand je répondais ce que je pensais (Non, tu ne t’en sortiras pas), les gens argumentaient avec moi et essayaient de me convaincre. Hey mon nono, tu me demandes mon opinion, c’est pas moi le juge, essaie pas de me convaincre.
Il faut quand même se montrer compréhensif, la première semaine de prison est la pire. Le ciel vient de te tomber sur la tête, ton avocat s’occupe mal de toi, tu vas perdre ton emploi et ta famille, tu vas être ruiné et tu essaies de te débrouiller comme tu peux. À Rivière-des-Prairies on n’avait pas de bottin et on n’avait pas droit à l’assistance annuaire.
Les détenus qui ont de longues sentences n’aiment pas trop entendre des gens qui se plaignent d’avoir eu une sentence de trois mois.
Quand je suis arrivé au Centre Régional de Réception après mon « séjour » aux États-Unis je voyais des gars qui ne faisaient que commencer leur sentence. Ils avaient toujours été en liberté sous caution. Il y avait un gars en face de ma cellule qui passait 90 minutes par jour au téléphone (le maximum alloué). Un jour il est venu me voir en pleurant pour me dire qu’il s’ennuyait de sa femme. Un homme de mon âge qui pleure parce que ça fait quelques jours qu’il n’a pas vu sa femme et à qui il parle plusieurs fois par jour, un homme d’affaire connu de sa région qui vaut des millions (qu’il a gagné en vendant des voitures volées et en fraudant les taxes). Le gars avait eu une sentence pas trop longue et il a été libéré moins d’un an plus tard. Je lui ai expliqué que c’est vrai que la première semaine est difficile mais, par respect envers ceux qui avaient fait du temps dur et qui avaient de longues sentences, il ne devrait pas trop s’en plaindre à n’importe qui. Ça faisait 2000 (oui deux mille) jours que j’étais en prison, j’avais déjà été 16 mois sans pouvoir parler à mes enfants et ça faisait cinq ans que je ne les avais pas vus. Alors même si j’avais un peu de compassion pour ce qu’il vivait, je ne trouvais pas qu’il était à plaindre tant que ça.
À la réception j’ai rencontré plein de gens qui avaient des sentences de trois – quatre ans. Ce que l’agent de libération conditionnelle leur racontait est qu’ils feraient trois mois à la réception et ensuite ils iraient dans un minimum où ils auraient des sorties de bénévolat, des sorties avec escorte dans leur famille et qu’ils pourraient aller dans une maison de transition après trois – quatre mois. Je leur disais qu’ils n’auraient même pas le temps de savoir ce que c’était de faire de la prison pour de vrai. À chaque étape les gars ne feraient qu’attendre la prochaine.
Lorsque je suis arrivé au Centre Fédéral de Formation on nous a mis dans un secteur qui venait d’être rénové qui était destiné aux « mediums ». Ce n’était qu’en attendant d’avoir une place dans un secteur minimum. Je suis arrivé là avec mon gros nounours. Au début nous n’étions que quatre mais ça a monté jusqu’à 13, seulement des gars qui arrivaient de la réception et qui n’avaient jamais fait de prison.
La période d’adaptation, ça a été pour le gros nounours et moi. Ces nouveaux-là n’avaient jamais fait de prison à part la réception où on n’apprend aucune règle. Le nounours et moi arrivions d’un monde où les règles doivent être suivies à la lettre. Les nouveaux étaient encore dehors pendant le compte, ils ne se levaient pas pour le compte debout, ils laissaient traîner la vaisselle dans l’évier, ils mettaient leurs pieds sur les tables, ils entraient par la sortie de secours… Je capotais complètement. C’est comme si ces gars-là ne savaient pas qu’ils étaient en prison. Avec le temps les nouveaux ont appris à mieux se comporter et le gros nounours et moi on s’est relâché un peu. Mais il me semble que quand tu te retrouves en prison pour la première fois, tu te fais le plus petit possible, tu respectes les règles en observant ce que les autres se permettent de faire, ce qui est acceptable.
Quand on m’a transféré dans un secteur minimum j’étais avec des gars tranquilles dont beaucoup avaient une sentence vie. Lorsque je suis arrivé un gars m’a montré ma section réservée dans un frigo. Lorsque j’ai demandé si je pouvais avoir de l’espace dans une armoire il y a un gars qui m’a dit que les armoires c’était pour les gars avec des grosses sentences pas pour des gars qui partiraient dans quelques mois. Je n’avais pas de problème avec ça. J’étais habitué d’avoir deux boites de plastiques pour mettre toutes mes choses et maintenant je me retrouvais avec une cellule à moi tout seul.
Plus tard le gars qui avait dit que je ne pouvais pas avoir d’espace a appris que j’avais déjà beaucoup de temps de fait dont la majorité aux États-Unis. Il est devenu très gentil avec moi. Il m’a donné de la vraie vaisselle en porcelaine etc. Il était très sympathique. C’était le seul gars qui connaissait la technologie et on parlait souvent de toutes sortes de choses. On écoutait aussi Shark Tank chacun dans notre cellule et on en discutait ensuite. Je me suis ennuyé de lui lorsqu’il s’est évadé.
Un conseil pour les gens qui lisent ceci et doivent se retrouver en prison bientôt: soyez respectueux et méfiez-vous des apparences. Lorsque je suis passé pour la deuxième fois devant la Commission des libérations conditionnelles il a fallu que je retourne au CFF pour rencontrer les commissaires. J’étais déjà en semi-liberté et j’étais officiellement là pour demander une liberté complète. Mon agente de la maison de transition était là aussi. C’était la première fois qu’elle faisait ça. Pendant que nous attendions, un détenu qui faisait le ménage est venu me parler. Je le connaissais car il était dans mon secteur lorsque j’étais au CFF. Nous avons discuté un peu et il est parti. Mon agente m’a dit que le gars avait l’air gentil. « Oui bien gentil, il a poignardé sa femme 50 fois devant son propre fils ». Les apparences sont trompeuses.
Un autre conseil est de se méfier des gens qui se prétendent nos amis dès qu’on arrive. C’est surtout vrai au provincial. C’est plein de gens qui survivent sur le dos des autres et en faisant des magouilles. Si vous avez un peu d’argent, il ne faut pas le dire à moins que des gens soient prêts à vous aider en vous « prêtant » des choses en attendant que vous receviez votre cantine etc. D’habitude ces gens demandent à voir votre reçu de dépôt dans votre cantine pour que vous prouviez que vous êtes capable de rembourser. Il est quand même préférable de ne demander de l’aide de personne au début.