Lâcher prise après la prison
Ah! Le lâcher prise! On en entend tellement parler. Ça semble évident mais ce n’est pas si simple à appliquer.
C’est comme cette devise des AA (on m’a « conseillé » d’assister à des réunions en prison) :
Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter
les choses que je ne peux changer, le courage de changer
les choses que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence.
C’est cette sagesse d’en connaître la différence qui est difficile.
J’ai tendance à trop penser et à essayer de prévoir tout ce qui pourrait arriver pour être prêt, au cas où.
Par exemple lorsque je suis parti en prison en juin 2007 j’ai avisé Revenu Canada que s’il y avait un problème, il fallait aviser mes avocats dont je laissais les coordonnées. J’ai aussi envoyé le formulaire pour que mon père ait autorité d’agir en mon nom auprès d’eux. J’ai aussi avisé mon père de vérifier ma boîte postale pour être sûr que Revenu Canada ne profiterait pas de mon absence pour m’envoyer des lettres que je ne pourrais pas lire. J’ai aussi demandé à mon ex de vérifier ma boîte postale au cas où mon père oublierait.
Lorsque mon avocat est venu me visiter à la prison de RDP, je lui ai demandé d’appeler Revenu Canada pour être sûr que tout se passait bien. Il a pris mon numéro d’assurance sociale et il m’a dit qu’il s’en occuperait.
Il me semble qu’il était difficile pour moi de faire plus que ça.
Le 28 décembre 2007 j’ai reçu une visite d’un huissier. Revenu Canada m’avait tout saisi sans avoir envoyé d’avis de cotisation. Malgré toutes les précautions que j’avais prises, rien n’avait fonctionné.
Je pourrais continuer avec des exemples comme ça. Il y a d’autres fois où mon acharnement a été payant mais il faut dire que si je n’avais pas été aussi inquiet depuis le début, je n’aurais probablement pas fait de prison du tout mais c’est une autre histoire. Disons simplement que j’ai fait de mauvais choix pour ma défense en voulant trop contrôler les événements.
Pendant que m’inquiète sur ce qui pourrait mal se passer, je passe à côté de ma vie. Je me prépare au désastre sans me concentrer sur ce qui m’arrive de beau. Il est vrai que les événements des dernières années ne m’ont pas trop donné confiance en ce que la vie a en réserve pour moi.
Mais le passé, ce n’est qu’une fabrication des souvenirs qu’on en garde. Le présent est là pour nous permettre de préparer les souvenirs de demain.
Ça me fait penser à ce qu’on disait lorsque je pratiquais l’escalade : « celui qui n’est jamais tombé ne sait pas le potentiel qu’il a en lui » (quelque chose du genre). C’est un sport très mental. Quelques fois on arrive au point le plus difficile de la paroi (la voie) qu’on appelle « crux » et on sait que le seul moyen c’est de sauter car la prise est quelques pouces trop haute. Il ne faut pas imaginer comment les choses pourraient mal tourner. Il ne faut que penser qu’on réussira car penser autrement servirait à quoi de toute façon? Il faut abandonner tout doute et sauter. C’est sûr que quelques fois on rate notre coup et on tombe de quelques pieds bien assis dans notre harnais. Une petite humiliation et quelques fois il faut redescendre jusqu’en bas pour pouvoir recommencer. Mais quelle joie quand on réussit! Ça semble évident mais quand on est à 40 pieds au-dessus du sol et qu’on tremble car c’est déjà difficile de seulement tenir où on est, le cerveau ne comprend plus les choses de la même façon.
Ceux qui ne sautent pas ne sont jamais déçus mais passent à côté de la raison même de ce sport : le dépassement de soi, la découverte de ce qui se cache en nous. Il n’y a que soi-même et la paroi. Aucun souci au monde ne peut troubler ces instants.
La vie, n’est-ce pas l’abandon de ses peurs et faire confiance que ce qui nous arrive ne fait que mieux nous préparer aux belles choses qui nous attendent?
Et qu’est-ce que nous rapporterait de penser qu’il n’y a rien de beau dans notre avenir à part ruiner notre présent?
J’ai donc pris cette décision. Je lâche prise. Je fais de mon mieux présentement et je ne m’inquiète plus. Finie cette peur qui paralyse et m’empêche d’accomplir quoi que ce soit. En tout cas, je vais essayer .
Il faut aussi que je me mette dans des positions qui me sortent de ma zone de confort. Que peut-il m’arriver de bien si je ne tente rien?
Il faut que je me fabrique de nouveaux souvenirs et je les trouverai sur des chemins que je n’ai jamais empruntés.
Je viens de terminer l’école. J’ai décidé que je n’y retournais pas. L’université n’était que parce que je n’avais pas d’emploi et que c’était dans mes conditions de liberté : emploi, recherche d’emploi ou école. Comme je n’avais pas de cours cet été, je ne suis pas en bris de condition. Cette possibilité d’y retourner à l’automne n’était que pour « au cas où » je ne me trouverais pas d’emploi. Cette fois-ci il n’y aura pas de « au cas où ». Je déteste aller à l’école. Ça ruine ma vie. C’est impossible pour moi d’être heureux lorsque j’y vais. J’ai réussi à faire mon bac lorsque j’étais plus jeune en n’allant pas à mes cours mais ce n’est plus aussi facile.
D’ici septembre j’aurai eu le temps de me trouver un revenu d’appoint et, sinon, je me mettrai en recherche d’emploi tout en bénéficiant de l’aide sociale. Le gouvernement m’a assez confisqué d’argent illégalement pour me payer de l’aide sociale pour plusieurs vies quoique ce ne soit pas mon but.