Sandra Mallon
Je n’avais jamais entendu parler de Sandra Mallon avant de lire à propos d’elle dans le journal. Je ne connais pas son histoire mais j’ai quand même trouvé bizarre ce que j’ai pu lire.
Je peux expliquer ici mon expérience du programme de transfert de délinquant du Service correctionnel du Canada.
Je n’entrerai pas dans les détails mais lorsque le détenu est approuvé pour un transfert (dans mon cas cela a pris près de trois ans), il reçoit une lettre de Ottawa expliquant les conditions du transfert. Il est toujours possible de refuser. Dans ces conditions, il est expliqué quelles seront les dates possibles de libération. Si la personne est déjà éligible à une libération conditionnelle totale (le tiers), la Commission des libérations conditionnelles se réserve le droit de faire attendre cette personne un maximum de six mois pour la rencontrer, c’est écrit dans la loi. Mon expérience m’a appris que les autorités n’ont pas à respecter la loi. Dans mon cas mon agente m’a dit que la commission n’avait pas le temps de me rencontrer et, après plusieurs mensonges du genre, elle a réussi à tout faire retarder de plusieurs mois (j’ai rencontré la Commission après plus de 11 mois).
Je reviens à la lettre que Ottawa envoie, il y est aussi écrit quelle sera la date de libération d’office. C’est la date où la personne est sûre d’être libérée. Normalement c’est le deux tiers de la sentence. Je ne sais pas pourquoi, mais les gens qui bénéficient d’un transfert peuvent faire jusqu’à deux tiers du temps qu’ils leur restent à la journée du transfert. Mon opinion est que c’est injuste. Habituellement les sentences dans les autres pays sont plus longues que celles du Canada et les conditions carcérales sont pires.
Prenons par exemple quelqu’un qui a reçu une sentence de six ans le premier juin 2013 après avoir déjà fait deux ans à Bordeaux. Le juge donnera probablement un crédit de trois ans parce que les conditions à Bordeaux sont présentement difficiles. L’individu recevra donc une sentence « officielle » de trois ans. Sa libération d’office (le maximum qu’il pourra faire en prison) sera le deux tiers du trois ans, c’est à dire qu’il sortirait obligatoirement AVANT le premier juin 2015.
Par contre quelqu’un qui reçoit une sentence le même jour et pour le même crime, aux États-Unis par exemple, après avoir fait le même temps en prévention recevra très probablement une plus longue sentence. Mais supposons qu’il reçoit la même. Ses deux ans en prévention compteront pour deux ans même si les conditions sont sûrement plus difficiles qu’au Canada. Si cette personne est transférée après un an (c’est presque toujours plus long), il restera trois ans sur sa sentence. Sa liberté d’office (le deux tiers) sera donc calculée au deux tiers du temps qui reste, c’est à dire encore deux ans à faire (le premier juin 2016).
Donc nous avons quelqu’un qui a fait sa sentence près de sa famille, dans des prisons plus civilisées qui sortira obligatoirement avant d’avoir fait 4 ans de prison. Celui qui a fait le même crime aux États-Unis, se retrouvera à faire 5 ans de prison dans des conditions difficiles et ça c’est dans le cas miraculeux où il aura eu la même sentence et qu’il serait transféré rapidement. Je comprends que certains diront que s’il voulait être traité comme au Canada, il n’avait qu’à faire son crime au Canada. Moi ce que je dis, c’est qu’une fois transféré au Canada, pourquoi faut-il que cet individu soit traité comme si ce qu’il avait fait était pire que s’il l’avait fait au Canada? Il a déjà été puni beaucoup plus déjà avant d’arriver. Pourquoi en rajouter sous le prétexte que la loi le permet?
Ce que je ne comprends pas dans l’article que j’ai lu est que Mme Mallon devait finir sa sentence le 24 janvier 2014 au Panama. Il ne lui restait qu’un mois à faire. Elle a quand même choisi de venir terminer sa sentence au Canada. Ça veut dire qu’elle sortira beaucoup plus tard et qu’en plus, elle aura un dossier au Canada.
De plus, si elle continue à dire qu’elle est innocente (je ne dis pas qu’elle ne l’est pas), elle risque d’avoir des problèmes avec son agente de libération conditionnelle (ALC). Par exemple, je me suis informé aux autorités à plusieurs reprises pour m’assurer que mes actes étaient légaux (j’ai des confirmations par écrit que ce que je faisais était légal au Canada et aux États-Unis). Cela n’a pas empêché les mêmes personnes (GRC) qui m’avaient dit que tout était légal de venir m’arrêter. À la suite de beaucoup de magouilles, on a fini par me livrer aux américains. J’ai fait une plainte à la Commission des plaintes du public contre la GRC et on m’a répondu en 2012 que je n’avais effectivement enfreint aucune loi. Alors quand mon ALC m’a parlé des facteurs qui m’avaient fait commettre un crime, je lui ai expliqué que je n’ai jamais pu prendre la décision de commettre un crime car on m’a toujours dit que cela n’en était pas un. Je lui ai donné tous les documents que j’avais pour le démontrer. Cette ALC a choisi d’ignorer ces documents et de dire que je n’acceptais pas l’illégalité de mes actions. Ensuite on dit que c’est moi qui souffre de distorsion cognitive et d’aveuglement volontaire.
Alors je souhaite bonne chance à Mme Mallon. Il y a de bonnes chances qu’elle soit libérée à l’été 2014 si tout se passe bien mais d’ici là elle risque de vivre BEAUCOUP de déceptions.
J’aimerais avoir votre opinion sur cette règle à propos de la libération d’office pour les gens transférés. Des gens ayant déjà fait beaucoup de temps ailleurs doivent attendre ici les deux tiers du temps qui reste à leur sentence totale. Par exemple dans mon cas c’est plus d’un an de plus.
Je me demande pourquoi le panama ne fait pas l’extradition?????? est-ce normal??? je trouve cette histoire assez difficile à comprendre…..Comment se fait-il que si elle avait rien en sa possession ils l’ont quand même fait purger une peine de presque 4 ans……..alors il devait y avoir des preuves j’imagine….Car il faut savoir qu’il y a deux autres Québécoises en prison au Panama pour la même raison…Mais il semble qu’elles ne clament pas leurs innocences. Saurons nous un jour si cette histoire et vraie ou fausse!!! Mais je reste quand même de tout cœur avec Mme Sandra Mallon
Bonjour Martine,
Les autres pays n’ont pas nécessairement besoin de beaucoup de preuves pour mettre quelqu’un en prison. Je ne peux que parler des États-Unis mais je suppose que la situation n’est pas plus brillante dans les pays d’Amérique latine.
Pour être reconnu coupable d’un crime en rapport avec la drogue, la possession de drogue n’est pas du tout nécessaire, que ce soit au Canada ou ailleurs. On peut être complice avec quelqu’un qui fait le trafic ou même n’avoir que comploté. C’est une accusation que les américains aiment bien, le complot. Il semble qu’ils n’ont pas besoin de beaucoup de preuves à part « démontrer » que la personne avait l’intention de commettre un crime. La seule condition est qu’il faut qu’il y ait au moins deux personnes. Alors ils accusent les gens d’avoir comploter avec des « personnes inconnues ». Habituellement les preuves ne sont que circonstancielles: être ami avec quelqu’un qui trafique ou avoir un colocataire qui fait la vente de drogues. On va dire que la personne était nécessairement au courant et si elle prétend qu’elle ne savait rien, on appellera ça de l’aveuglement volontaire.
Quelques fois les procédures sont si longues et les sentences qu’on risque d’avoir si énormes qu’on fini par plaider coupable à n’importe quoi. Dans mon cas le procureur américain m’a dit que si je ne plaidais pas coupable, j’aurais 20 ans de prison et qu’il refuserait mon transfert vers le Canada. J’étais sûr de gagner ma cause mais mon avocat m’a dit que même si je n’étais pas coupable du crime qu’on m’accusait, les jurés me trouveraient coupable car ce que j’avais fait était « mal ». De toute façon, les procédures auraient duré des années. On m’a offert 10 ans et tout était organisé pour que j’aie mon transfert rapidement et avec le temps déjà fait, je sortirais de prison vite car, à ce moment là, les gens sortaient au sixième au Canada. Malheureusement, cela a pris trois ans pour que je sois transféré et le sixième n’existait plus alors cela m’a pris une autre année pour sortir.
Mon opinion est qu’il est naïf de croire qu’il faut être coupable pour faire de la prison. Je crois quand même sincèrement que la grande majorité des gens en prison sont coupables et ils ne s’en cachent pas. La plupart disent mériter leur sentence.
Il faut aussi savoir que le cas de Mme Mallon est particulier car il y a quelqu’un ici qui travaille fort pour elle. Il y a beaucoup de gens incarcérés à l’étranger pour des choses complètement stupides qui n’ont pas ce support et qui vivent des choses horribles. Ce que j’ai entendu dire des prisons d’Amérique latine est que quelqu’un qui a de l’argent s’en sort habituellement bien (de bonnes conditions, etc.) mais ce n’est pas le cas partout. Certains pays donnent le même traitement à tout le monde. Je ne sais pas pour le Panama.
Mais quand je lis la page facebook de Mme Mallon, je trouve quelques fois un peu drôle de voir qu’on trouve affreux qu’elle n’ait pas pu dire adieu à des amies avant de partir ou que cela ait pris beaucoup de temps pour son voyage de retour. C’est la prison, et c’est comme ça partout. On est traité comme du bétail et si on pense que le gouvernement canadien va nous aider, on est bien naïf. Je pourrais parler longtemps du consulat canadien de Buffalo, il n’y avait personne qui parlait français pour nous aider! J’ai dû faire des appels pour d’autres gars qui ne se débrouillaient pas en anglais. Et ça c’est quand il voulait bien nous aider.
Mme Mallon a été libéré cette semaine!!!! Elle est officiellement sortie de la prison.
Fevrier 2014
Merci pour ton commentaire Francine.
Selon sa page facebook elle a été libérée vendredi dernier le 21 février.
Elle a été bien chanceuse car normalement cela prend beaucoup plus de temps pour être libéré. Pour le classement (ça veut dire décider vers quelle prison on t’enverra) cela prend au moins trois mois. Ensuite c’est au moins un autre trois mois. Et ceci c’est pour des gens qui ont été transférés d’autres pays comme Sandra. Pour moi cela a pris presque un an.
Avant l’arrivée des conservateurs au pouvoir ça se passait très rapidement car les gens qui arrivaient de l’étranger avaient normalement déjà plus du un sixième de fait alors on les libérait presque tout de suite. Par exemple, lorsque je suis arrivé au Canada j’avais plus que la moitié de ma sentence déjà servie alors j’aurais dû être libéré tout de suite (environ deux semaines). Mais comme le gouvernement Harper avait enlevé le traitement expéditif du dossier même pour ceux qui avait été condamné avant le changement de loi, je n’ai pas pu en bénéficier.
C’est la deuxième fois qu’on me faisait faire de la prison avec des lois rétroactives.
Par contre il s’est passé quelque chose en janvier qui a changé ce processus. Il y a eu un appel et le traitement expéditif a été rétabli pour des gens qui avaient été condamnés avant le changement de la loi.
J’ai avisé « l’administrateur » du compte facebook de Sandra pour qu’elle puisse en profiter et qu’elle sorte au plus vite. Cet « administrateur » a effacé mon commentaire de la page facebook et m’a dit de me mêler de mes affaires et qu’elle n’aviserait Sandra de rien car cela la mélangerait trop.
Il semblerait que cela s’est quand même bien passé car elle est déjà libre. Je suis bien content pour elle.