Remonter
C’est la deuxième fois en deux semaines que je vois quelqu’un qui « remonte ». C’est le mot qu’on utilise lorsque quelqu’un qui est en liberté conditionnelle doit retourner en prison pour quelque raison que ce soit.
La semaine dernière je suis sorti de ma chambre et il y avait quatre policiers devant ma porte en train de mettre des menottes à mon voisin d’en face. Ce n’est pas le genre de choses que j’aime voir car ça ramène de mauvais souvenirs.
Aujourd’hui j’étais en train de souper tranquille et quatre policiers sont entrés. Je me doutais que ce n’était pas pour moi car je suis bien tranquille et l’autre gars qui était avec moi avait vu les voitures de police dans la rue et m’avait dit qu’il pensait que c’était pour lui. C’est quand même un moment désagréable lorsque des policiers entrent en ne sachant pas lequel des deux ils viennent chercher. Ils nous regardent d’une drôle de façon. Ça a été plus pénible que l’autre fois car je voyais que les policiers étaient nerveux. Le gars avec moi a la réputation d’être violent et je sentais la tension dans l’air. Ils lui ont dit de se lever lentement et de se diriger dans un coin de la pièce. Il a fallu qu’il se mette à genou par terre pour qu’ils lui passent les menottes. Je me sens encore mal. Il arrive toujours quelque chose pour nous rappeler que notre liberté ne tient pas à grand chose.
Comme je suis en maison de transition c’est quelque chose qui arrive plus fréquemment qu’on le voudrait. Il y a toutes sortes de conditions à respecter et il y a des gens qui semblent ne pas le comprendre. La plupart du temps ils n’ont rien fait d’illégal, seulement enfreint une condition. Mais je me dis que si quelqu’un a la condition de ne pas fréquenter d’autres criminels et qu’il n’est même pas capable de s’empêcher de faire des sorties dans des bars avec d’autres résidents de la même maison, il risque d’avoir la même attitude en ce qui a trait au respect de la loi. Je ne veux pas dire que tout ceux qui remontent sont stupides, quelques fois ils ont des problèmes de consommation ou autre chose qui rend leur situation triste.
C’est une condition que la plupart des gars ici ont, ne pas fréquenter d’autres criminels. C’est un peu bizarre car à l’intérieur de la maison on a le droit de se parler mais lorsqu’on sort, les gens qui ont cette condition ne peuvent plus se parler. Comme je n’ai pas cette condition, je peux parler à qui je veux. Alors quand je rencontre les gars sur le trottoir, je leur dis bonjour ou je leur fais un signe de la tête pour être poli. Je ne sais pas lequel a cette condition. Quelques uns me répondent et d’autres font semblant de ne pas me voir.
Ce qui était comique c’était de voir le soulagement des autres résidents qui avaient des petites choses à se reprocher (arriver en retard un soir ou des choses du genre). Ils trouvent triste de voir que ça arrive à quelqu’un mais ils sont soulagés que ce ne soit pas pour eux.